radio – Culture Club

Interview radio de Jean-François Spricigo par Corinne Boulangier et Eric Russon à l’occasion de l’exposition notturno au Botanique (Bruxelles).
Diffusée le 25 juin 2007 dans l’émission Culture Club de La Première (RTBF).
Durée : 10min 54sec

notturno

2010.01.06 – 2010.01.30    Le Grand R (scène nationale La Roche-sur-Yon, France)
2009.01.06 – 2009.02.28    Parvis (scène nationale Tarbes Pyrénées, France)
2007.06.20 – 2007.07.17    Botanique (Bruxelles)

L’appel silencieux
par Philippe Grimbert

La photographie n’est pas qu’une affaire de regard, nous le savons tous, nous qui tentons de retenir ces instants fuyants, qui nous retournons sur nos objets perdus, qui caressons du bout des doigts ces visages disparus, ces bouquets depuis longtemps fanés, ces jardins qui reposent aujourd’hui sous des dalles de béton. La photographie est affaire de temps et le temps, toujours, nous parle de la mort. Comment en arrêter la course ? La paupière de l’obturateur, dans son battement imperceptible, tente cet impossible : elle découpe le temps en infimes portions et cette décomposition, paradoxalement, est sa manière de lutter contre une autre décomposition, celle qui guette tout vivant.
Ce n’est pas un hasard si, peu de temps après sa découverte, l’invention de Niepce a tenté de saisir certaines manifestations de l’Au-delà sur ses images sépia : on y voit des femmes hallucinées, des médiums renversés dont la  bouche béante vomit la silhouette translucide d’un ectoplasme. Entouré d’un tourbillon de voiles, il s’élance vers le ciel comme la fumée d’un cigare. C’est une expérience spirite, c’est un revenant, c’est avant tout une illusion bien sûr, mais une illusion qui permet de réunir sur une même photo le passé et le présent, condensés en un temps unique, auquel pourrait venir s’ajouter un troisième, celui de toutes les crédulités à venir. On peut sourire de ces expériences d’autrefois, de leur naïveté ou de leurs pièges trop apparents, mais ne nous enseignent-elles pas l’essence de la photographie : tout cliché ne condense-t-il pas les trois temps qui règlent notre rapport au monde, ce qui est, fut et sera ? Est-il une photo qui ne se lance à la poursuite d’un fantôme ?
L’univers de Jean-François Spricigo se développe au cœur même de cette question. Lorsqu’il évoque sa démarche, il  témoigne de ce souci : l’appareil au poing, dit-il, le voilà parti, chasseur de fantômes, explorateur à la recherche d’une trace, d’un ailleurs. Ses images sont parsemées d’indices : rayures, poussières qui enneigent le cliché, empreinte des doigts du photographe. Voilà pour la trace. Et ce que ses photos représentent s’ouvre en abîme sur un au-delà, une Autre scène : mordu par la mer le rivage noir, hanté par son occupant le fauteuil abandonné sous la clarté lunaire de l’abat-jour, abattu par l’imminence du coup fatal le regard de l’animal. Voilà pour l’ailleurs. Et les trois temps, toujours : visages promis à la mort, figés aujourd’hui dans ce qu’ils étaient autrefois, enfants emportés par l’urgence d’une horloge qui se précipite et les rend flous avant l’heure, vieillards endormis déjà décomposés. Ces images ont le noir, le gris, le blanc de ces radiographies affichées sur un mur de lumière et qu’il faut interpréter, à la recherche d’un signe. Elles ont la surexposition, le flou, le bougé de ces photos ratées qui affichent aux yeux de tous l’inconscient du preneur de vues. Et elles ont l’évidence des œuvres majeures, cette brutalité sans fard qui nous renvoie à nos abîmes.
Marais noyés, villes crépusculaires, paysages désertés où vibre l’annonce d’une apparition : l’absence lumineuse qui habite ces lieux y prend la consistance de l’ectoplasme, celui que cherchaient à piéger nos aïeux photographes. Mais on ne peut croire aux fantômes que si on ne les voit pas, Jean-François Spricigo l’a compris, reporter de l’invisible il détient le privilège de savoir suggérer ces présences sans les démasquer, paratonnerre il attire sur lui les  foudres muettes, antenne dressée face à la nuit il capte l’appel silencieux de ce qui n’est déjà plus.

 

__

Presse papier

2009

02.13    La Dépêche

2007

07.04    Zone 02
06.28    La Libre Match
06.28    Brussel Deze Week
06.24    De Zontag
06.19    Bxl Blog
06.13    Knack
06.01    Grain and Pixels
06.01    Marie Claire

__

Presse radio

2007

07.06    La Première – La Pensée et les Hommes
06.27    Radio Judaïca – Au fil de l’Art
06.23    La Première – Culture Club

__

Presse TV

2007

06.29    Arte – Cinquante Degrés Nord

silenzio

2009.10.19 – 2009.10.25    Bibliothèque d’Østerbro (Ambassade de Belgique à Copenhague, Danemark)
2008.01.11 – 2008.02.28    Excellence (Bruxelles)
2007.04.21 – 2007.06.25    Cultuurcentrum (Hasselt, Belgique)
2006.04.22 – 2006.05.15    Centre Wallonie Bruxelles (Paris)
2006.04.06 – 2006.04.30    artcore (Paris)
2005.09.21 – 2005.11.06    Contretype (Bruxelles)

 

Un Visionnaire intempestif et libre
par Marcel Moreau

J’aime beaucoup ce qu’il fait, je veux dire ce qu’il défait. Son savoir-défaire fait mieux que bien des accomplissements.
Il est facile d’être un faiseur. Il suffit de donner du paraître, toujours plus de paraître, à la florissante entreprise des faillites de l’être. L’ « air du temps » est propice aux faiseurs. Le temps des faiseurs s’emploie à accoutumer le regard – l’esprit aussi – à la séduction vénale des mirages de société. Il le conditionne à la berlue, en tant que valeur marchande. Au fond, quand on y songe, rien de plus proche de la prostitution qu’un regard, en cette époque où le spectaculaire décide, en maître, du destin des hommes et des choses. À l’immense devanture des images, les apparences offrent leurs charmes au regard. Le regard ne met pas longtemps à acheter son plaisir de regarder. Les profondeurs peuvent aller « se rhabiller ». Nue, leur vérité décourage la crédulité, jugule le vice, nous rappelle que la connaissance n’est pas fille facile, dont on jouirait à la sauvette. Elle n’est donc pas de mise.

À une époque où, hélas, la frivolité flatte et règne, l’œuvre de Jean-François Spricigo fait, face à cette frivolité, figure d’hérésie ô combien nécessaire.
Le photographe de toute évidence n’est pas de la religion des montreurs d’appas. Montrer, ce n’est pas assez pour lui. Montrer les appas, c’est trop. Il ne s’agit pas, dans son cas, de nier le visible, mais de le renvoyer à ses soubassements, ses ratés, ses tares, ses failles, ses brouillons, pour les aimer, les faire aimer. Il sait plus que tout autre que s’il y a de la beauté dans ce monde, ses origines sont convulsives, quelquefois misérables : un effort insensé des ténèbres, ou de la boue, pour se poser en architectes. Jean-François retourne aux origines, à l’informe matrice, non pour l’enjoliver : en vue d’en relégitimer les bases chancelantes, friables, rebelles à l’esthétisation à tout prix, comme dogme, mode, source d’illusion, de facticité, donc de profit.
En pénétrant cette œuvre, en m’attachant à elle par ses alluvions, je me sens confirmé dans une de mes rares certitudes : l’ostentation nous ment, elle n’existe que pour plastronner, debout dans sa perversité, voire sa cupidité.
Il y a bien des années, j’écrivis ceci : « Vivre, pour moi c’est battre de vitesse ma décomposition. »

Surgir le premier, soit par un art, soit par toute autre forme de dépassement de soi, y compris, évidemment, en amour, sur cette ligne d’arrivée imaginaire qui sépare le passionnel du putrescible et le putrescible de l’anéantissant, c’était ce que j’appelais alors vivre. À ce jeu, je ne gagnais qu’accès d’ivresse, fulgurances d’orgasmes, mais je les gagnais contre l’extrême conscience que j’avais de mes progrès en dégradation. Pour vivre, le photographe n’a pas besoin de se jeter sur la ligne d’arrivée. C’est au départ, dans son œil du dedans, que se produit l’événement. Ici, point de compétition entre le périssable et l’au-delà du périssable. Sous l’œil du dedans, le périssable, intime et universel, en devient un mouvement créatif, fondateur, comme vital, une décomposition surmontée d’un vouloir. Une œuvre naît, ne cesse de naître, qui pousse la cruelle lucidité au paradoxe d’être en même temps une délivrance. L’œil du dedans se retourne dans ses frontières cavitaires, les recule. Il ratisse large dans les anfractuosités du visible. Il nous libère de notre dépendance envers l’insigne superficialité des petits arrangements – traditionnels – avec la réalité des gouffres. Avec lui, ce qui se meurt en nous n’est plus tout à fait d’un délabrement indigne d’une vivacité. Ce qui se meurt en nous, c’est ce qui se meurt aussi concomitamment dans nos civilisations de l’avoir, au détriment de l’être. La différence, c’est que l’œil du dedans voit plus loin et plus fort que ne le peuvent ou que ne le veulent les accélérations aveugles de l’histoire.
Le rythme de Spricigo n’est pas le mien, manifestement. Mais c’est comme si, généalogiquement, ils se rejoignaient, sur une même ligne, ni de départ ni d’arrivée ni tout à fait d’ailleurs, là se donnent mystérieusement rendez-vous l’exigence de vérité de l’un et celle de l’autre.
J’ajouterai à cela, tout simplement, mon plaisir d’avoir découvert un authentique artiste.

__

Publication

2005

« silenzio », livre de photographies
Éditions Yellow Now – ISBN 2-87340-198-2

__

Presse papier

2005

11.01    Exporevue
11.01    L’Art Même
10.06    Trends Tendances
10.01    Elegy
09.28    Le Soir Mad
09.22    The Bulletin
09.21    Télé Moustique
05.01     Marie Claire
04.19    Le Courrier de l’Escaut
04.16    Le Soir Victor
04.15    Le Vif L’Express

__

Presse radio

2006

04.06    France Culture – Double Culture

__

Presse TV

2005

12.07 TV5 Monde – Hep Taxi !
11.27 No Télé – Info HO
10.21 RTBF La Une – Hep Taxi !

__

Dossier de presse silenzio – Contretype

ici hier

2005.04.05 – 2005.05.15    Maison de la Culture (Tournai, Belgique)
2004.03.04 – 2004.05.06    Parvis (scène nationale Tarbes Pyrénées, France)

ici, hier
par Jean-François Bruneau

Ces photos Monsieur ?

C’est du blanc, du gris et du noir.

Bien sûr, face à elles, on peut se sentir mal à l’aise, mélancolique, regarder ailleurs… parce que dehors au moins il fait beau. On peut rire jaune parce qu’elles sonnent trop familier.., on aime imaginer autre chose. On peut rire vert parce qu’elles rendent malade : pas de complaisance pour se prendre en pitié.

Mais ces photos, Monsieur, pourquoi ne pas leur sourire ?

Ces images, elles sont intimes comme des vacances en solitaire : il y a de l’eau et des vagues, grises à force d’être bleues. Et ces chiens pas même écrasés, ces chiens avec toutes ces jolies choses dans les yeux… Il y a des enfants, qui courent plutôt que de savoir où aller. Des jeunes femmes, des reflets. La beauté se devine plus qu’elle ne s’expose. Des gens qui attendent et s’ennuient, peut-être parce qu’ils n’ont pas de jeu de cartes, peut-être parce qu’ils sont déjà morts.

Des fils électriques dans le ciel. Des ruines. Des drapés. Encore des ruines.

Vous avez raison : on pourrait parler du tragique de ces images, de la tension entre la tristesse voilée et l’humour éclatant… Ça crève assez les yeux pour être tu.

Allez-y Monsieur, regardez-les bien, regardez-les encore ces photos.

C’est plus touchant qu’un album de famille… parce qu’on ne reconnaît personne.

__

Publication

2004

« ici, hier », catalogue de l’exposition
BNF – ISBN 2-905130-86-5 (br.)

__

Presse papier

2005

04.19    Le Courrier de l’Escaut
04.16    Le Soir Victor
04.15    Le Vif L’Express

2004

03.10    La Nouvelle République des Pyrénnées

__

Presse TV

2005

04.16 RTBF La Une – Javas