sur un fil

Trop d’images, brouillard sur la vitre embuée par la respiration des angoisses, impossible d’y voir au travers, reste l’imaginaire de nos craintes. Dehors n’existe plus que comme une menace aveugle.

La perte de conscience nourrit la tension, l’émotionnel à venir dans ce qu’il peut avoir de plus radical crée davantage de dégât encore que les balles des nuits de destruction.
Le symbole prend le pas sur l’attention nécessaire et soudain le vivant en est réduit à n’être qu’une idée.

Oser enfin se relier à l’immémorial de la Vie qui rassemble plutôt qu’à la division produite par nos attachements aux rêves brisés.

Le monde est sur un fil, il est temps que chacun admette à quoi il l’a accroché.

Paris en Toutes Lettres


Un dialogue musical, littéraire et visuel avec, en son cœur, les photographies et les textes issus de Lettres à Quelqu’un de Jean-François Spricigo, une correspondance fictive d’un enfant avec le monde adulte, et les chansons d’Albin de la Simone.

Afin de prolonger l’esthétique épistolaire de l’ouvrage, la forme est celle de l’échange. Les chansons viennent en contrepoint des textes et non pas dans le rôle d’intermède. Le troisième personnage, incarné par la fenêtre des images projetées, est investi comme le troisième temps de la respiration, la nécessaire apnée silencieuse et visuelle entre le souffle de l’inspiration littéraire et de l’expiration chantée.

Une forme inédite et insécable pour ces deux artistes singuliers, une invitation à partager ensemble, le temps d’un soir, l’éclosion d’une nouvelle perspective.

Au Centre Wallonie Bruxelles Paris dans le cadre de Paris en Toutes Lettres

Purgatoire & Delvoyeurs

exposition de photographies au Purgatoire – 54 Paradis – 75010 Paris
6 novembre au 23 décembre 2015, du lundi au vendredi, de 10h à 19h
vernissage le 5 novembre à 19h

La vérité en art est incluse dans l’œuvre elle-même comme la vie dans l’animal. La seule vérité dont on puisse parler à ce propos est la vie elle-même telle qu’elle s’impose à nous, sans son secret, telle qu’elle nous échappe. Ce que nous appelons, de ce point de vue, mensonge, c’est ce qui nous gêne, nous choque, nous inquiète ou nous dépasse.

Pierre Reverdy

Je vais être honnête. Lorsque j’ai rencontré Jean-François Spricigo, ses bêtes et ses tremblements, il m’ont agacé autant qu’émerveillé. Pour l’émerveillement, pas la peine d’en remettre des couches : ceux qui apprécient son sens naturel de l’image, sa poésie hors du temps, son impressionnisme si personnel, indéfinissable, entre humanisme et désespoir, sentiront avec leurs yeux.

L’agacement, lui, était de ceux qui vous font prendre conscience – sans autorité – que vous ne vivez pas la vie avec assez de dents. Tour à tour cinéaste, écrivain, comédien, ses images entretiennent d’excellents rapports avec l’éclectisme, la curiosité et le mouvement permanent.
Son énergie est de celles à faire rougir le tonneau des Danaïdes.

Il y a énormément de photographes.
L’on sent trop souvent leurs appareils ou leur but, et ce quel que soit le milliard de pixels qui le servent. Avec Jean-François Spricigo, c’est la trajectoire qui prime, jamais finie.
Il n’est pas photographe.
J’apprécie sa naturelle acceptation des héritages, de nos prédécesseurs, autant que sa recherche personnelle, cousue à ses pas de wanderer, loin des suffocations issues de la surproduction d’images.
Être « hors du temps » signifie tout sauf être dépassé. Aujourd’hui, il semble même que ce soit la définition, s’il en est une, de l’intégrité et de l’ouverture. Tout sauf la mode.

Enfin, j’apprécie son goût pour l’inconnu et la déformation. Sans doute parce que la photographie, comme nos vies, voyage entre volonté de vérité et implacabilité du mensonge. Davantage que cette fameuse réalité qui n’existe toujours pas, ce mensonge peut se révéler un océan de justesses, dans lequel il convient de pécher à la volée.

Disons qu’il s’agit d’un autre témoignage. Jean-François Spricigo est un ogre. Et vieux monsieur. Puisse-t-il le rester bien longtemps.

François Delvoye

le Purgatoire – 54 Paradis est un open space résolument moderne, inscrit dans la tradition et les codes d’un ancien comptoir du XIX siècle. c’est un lieu de vie et de fête où alain cirelli partage son goût pour l’art contemporain et les échanges. écrin de création culinaire, c’est aussi un espace de recherche, de découverte et de rencontres autour de la cuisine, de ses produits d’exception ainsi que des métiers qui l’entourent.

Delvoyeurs est une structure de commissariat et de production d’exposition, d’édition et de développement culturel. delvoyeurs est constituée à la fois d’une société commerciale, basée à Paris, et d’une société à but non lucratif, basée à bruxelles. cette structure polyvalente fonctionne avant tout sur une complémentarité, une somme d’expériences et une complicité intellectuelle, sur un regard libre et assumé dans le domaine de l’art.

 

en silence je l’ai aimé

un film de Jean-François Spricigo et Alexandre Tharaud
17 minutes, 2014

« en silence je l’ai aimé » est une correspondance fictive entre deux vivants, soi et l’inconnu, le loup et l’enfant, le silence et la vie. Ces échanges s’inscrivent avec des images, des mots, ma voix, autant d’insouciance traversée par la musique composée et interprétée par le pianiste Alexandre Tharaud.

texte et images : Jean-François Spricigo
musique : Alexandre Tharaud
montage : Gabriel Humeau

Corpus scripti

2015.06.19    –    2015.09.20    Promenade Photographiques (Vendôme)
2012.09.14    –    2012.11.15      église Saint-Maurice (Lille)

Marcel Moreau est à la fois un écrivain essentiel et un ami indispensable, j’entretiens pour le premier une indéfectible admiration et pour le second une féconde et nécessaire relation. J’ai emprunté à l’un de ses livres le titre de cette exposition, il m’a fait l’honneur et la joie de la paraphraser ainsi :

 

Château de Seneffe

exposition collective du 25 avril au 11 novembre 2015 au Domaine du Château de Seneffe

Quelle a été votre première fois à Seneffe ?
Il y a quelques années, à l’occasion d’une lecture de texte de mon ami Marcel Moreau donnée par le comédien Denis Lavant.

Quelle a été votre première impression en arrivant au domaine du château de Seneffe ?
Joli parc, dommage que tout y soit si « organisé ».

Le lieu vous a-t-il parlé, inspiré ou impressionné ?
Aucun des trois, l’architecture est dans la logique ostentatoire de nos homologues français dans laquelle je n’ai pas encore trouvé ma place.

Qu’est-ce qui est le plus difficile ici à Seneffe, pensez-vous ?
Je ne comprends pas la question.

Qu’avez-vous pensé du projet et cela vous a-t-il de suite suscité des « images » ?
Une promenade proche de la nature est toujours un argument de joie.

L’élément déclencheur pour participer à l’exposition a-t-il été le défi face au parc (élément naturel) et à la taille du support ou le sujet en tant que tel ?
La demande était au départ simple et charmante, ça me suffit amplement pour m’intéresser à l’autre.

L’œuvre (ou les) que vous avez choisi pour Seneffe, est-ce un nouveau défi, un coup de cœur, une envie de marquer le lieu, … ?
Je laisse les défis aux sportifs, les coups de cœur aux critiques, et aux tombes le soin de marquer le lieu.

Lorsque vous photographiez, pensez-vous nature, culture, architecture, ou humain ?
J’essaie de ne pas savoir… l’essentiel est de sentir ce qui est là.

Le jardin (voire la nature) est-ce un élément habituel dans vos photos ?
C’est le principal « cadre » dénué d’artifice. Tout ce qui est lié au culturel s’exprime dans la plupart des cas à travers la revendication ; la nature est là, simplement. Elle correspond à l’immémorial point commun originel de chacun. Elle ne se manifeste que par évidence, la seule violence qu’elle semble en apparence nous opposer tient à la résistance que nous avons pour l’aborder.

Le percevez-vous juste comme un « fond » ou est-ce un sujet à part entière ?
Ce qui est essentiel est ce qui est là, le reste est discursif. Pour moi, il n’y a pas de sujet, ou alors vous faites de la politique, de la psychologie ou l’une des nombreuses déclinaisons de la sociologie. C’est tout à fait louable évidemment, mais je ne me sens pas concerné par cela. L’explicatif n’entre pas dans le champ du ressenti, à chacun de vibrer selon sa fréquence, il n’y a rien à démontrer. Cependant la duplicité propre à la sémantique des idéologues en vogue est là pour nous expliquer que tout s’explique.

Et pour vous personnellement, le jardin est un lieu de vie, de calme, d’inspiration, … ?
J’y suis moins réceptif quand il est conditionné par des critères qui excluent le naturel au profit de la modernité du moment.

Quelle est pour vous votre vision du rapport de l’homme et de la nature ?
Beaucoup de larmes dans ma vision… j’apprends à accepter l’aigreur humaine ordinaire à principalement envisager la nature comme une stricte source d’énergie. J’ai cependant le sentiment que de plus en plus d’individus la vivent autrement, sereinement, ça réchauffe le cœur.

Côté technique, vous êtes davantage argentique ou numérique ? Est-ce que le numérique vous a bouleversé ?
La photo est un rectangle à investir, le récipient importe peu. Les usagers font ce qu’ils ont à faire, le débat sur ce sujet appartient aux moralistes et aux marchands.

Comment percevez-vous la photographie en tant qu’art ? Adhérez-vous à un courant ?
Je ne me sens pas concerné par ces questions.

Préférez-vous saisir l’instant ou le mettre en scène ?
Observer une situation participe déjà à en changer son déroulement… à partir de là, à vous de placer les critères de ce qui est mis en scène ou non.

Votre façon de photographier est-ce la représentation d’une réalité, d’une émotion, un témoignage (d’humanisme), une trace, … ?
Il s’agit d’un geste, rien de plus, ni de moins. Un geste au plus proche de la respiration liée à l’évènement qui se déroule, un geste qui prolonge, comme le vent accompagne les paysages du promeneur.
Le devoir de mémoire, la nécessité de laisser une trace, et autres velléités d’éternité appartiennent à la vanité. Préférer l’illusion flatteuse du symbole plutôt que l’éphémère intensité de la vie elle-même est à la fois mensonger et profondément morbide. Il suffit d’envisager les espèces et les civilisations disparues pour se rendre compte de la vacuité de cette revendication. Cela sert principalement la propagande névrotique consistant à ajourner l’instant à vivre dans l’espoir vain de ne pas disparaître.
Tout est dans l’instant, le reste est un paradigme totalitaire que trop de gens imposent à d’autres afin de préserver l’image qu’ils ont d’eux-mêmes.

Le noir et blanc ou la couleur, en préférez-vous l’un à l’autre et comment expliquez-vous votre choix pour Seneffe ?
Dans mon cas, il se trouve les deux. C’est un hasard.

Quelle réaction pensez-vous que le promeneur aura en voyant vos photos à Seneffe ?
Celle qui sera forcément appropriée et en relation avec eux-mêmes.

Ciel d’orage, tourbillon et silence est-ce là votre univers naturel ?
Je n’ai pas d’univers isolé, je vis dans le même réel que tout à chacun. Je me sens en phase avec ce réel quand j’en accepte le vertige de ses paradoxes. Parfois je parviens à en rendre humblement l’écho.

Que trouvez-vous dans la nature et chez les animaux que vous ne trouvez pas chez l’homme ?
L’être humain n’est pas exclu des groupes nature et animaux que vous citez. Je ne fais aucune hiérarchie entre ces éléments. Tous participent à la vie de chacun, et ce tout est indissociable de la survie de l’ensemble. Il se trouve que mon langage s’articule à partir d’une culture spécifique liée à l’espèce humaine. Par ailleurs le langage non verbal est tout aussi riche et s’adresse à encore davantage d’êtres vivants. Claude Levi-Strauss dans « Le Regard éloigné » écrivait ceci : Les problèmes posés par les préjugés raciaux reflètent à l’échelle humaine un problème beaucoup plus vaste et dont la solution est encore plus urgente : celui des rapports de l’homme avec les autres espèces vivantes. Le respect que nous souhaitons obtenir de l’homme envers ses semblables n’est qu’un cas particulier du respect qu’il faudrait ressentir pour toutes les formes de vie.

Et le fait de les prendre en photo c’est pour figer l’instant ou montrer à l’homme tout ce qu’il a perdu (voire jamais eu) ?
Je le fais car j’en ai jusqu’à présent la capacité. Je n’ai aucune vocation à convaincre quiconque de quoi que ce soit. J’essaie de partager sincèrement ce qui me tient à cœur, je l’exprime à travers le médium qui s’impose à moi en fonction de la situation.

L’homme n’existe-t-il en tant qu’humain que lorsqu’il est dans l’œuf ?
Je ne comprends pas la question.

La vie est-elle un sac de nœuds dans lequel on se débat ?
La vie est merveilleuse, fascinante, surprenante, parfois douloureuse en apparence, mais toujours pour préparer un terrain plus serein, il suffit d’y être disponible.

La photo rend-elle cette beauté des émotions et cet instant saisi et présent dans la nature ?
La photographie est un intermédiaire entre soi et le réel, elle est loin d’être indispensable pour y accéder. Pour l’heure j’en ai besoin pour y voir clair, tant mes yeux sont encore embrumés.

Préférez-vous la photo, le théâtre ou le cinéma pour vous exprimer ? Et pourquoi ? Ou chacun contribue-t-il à sa façon à vous permettre de vous exprimer artistiquement parlant ?
Chacun prolonge l’autre. Cela devient rapidement insipide de ne manger que sucré, salé, amer, etc.… Il en est de même pour la création, elle se réjouit de la pluralité du monde.

entretien avec Jean-François Spricigo et la responsable de la communication du Domaine du Château de Seneffe, avril 2015

à propos du livre

lien vers l’article

On avait découvert ce jeune auteur en 2008, à la faveur du Prix de Photographie de l’Académie des beaux-arts, qui couronnait un de ses premiers travaux, Anima. Jean-François Spricigo y photographiait les bêtes comme personne, en fables noires déchirées par les éclairs de flash comme par les reflets de la lune. Et puis l’enfant prodige a fait son chemin, élargi le champ de ses réflexions sur la vie traitée comme une fable, sur l’enfance et sur la mort, sur la sensualité et le désert, avec la maturité de l’écrivain qu’il est aussi parfois. Voici que les éditions de L’œil lui consacrent un premier ouvrage monographique, riche de tout ce qui fait l’univers de Spricigo, absolument sombre et tendre, résolument chaotique, éminemment poétique. Où l’on voit que le photographe s’insinue en alien dans ce paysage si formaté de la photographie contemporaine plate sérielle et désincarnée pour interroger et troubler son lecteur. Le livre vient comme un bel objet, doux au toucher et bouleversant au feuilletage, vibrant de tout ce qui traverse l’inspiration d’un artiste et entrecoupé de textes de certains des bons génies qui ont croisé sa route. On y retrouve le beau portrait d’Hiko exposé en 2009 à l’Institut de France et que, dans le hors-série d’octobre 2009 de la Revue des Deux mondes, son maître saluait en ces termes fondateurs “J’ai appris la photographie avec un chien, peut-être devrais-je dire que j’ai reçu de ce chien ce que me révèle depuis la photographie, ma propre vie. Il s’appelait Hiko”.

Hervé Le Goff

île de Sein

reportages de Raphaëlle Aellig Régnier réalisés par Christian Morerod, avec la complicité de Jean-François Spricigo
Diffusion le 09 et 10 mars 2015 sur les ondes de la RTS La Première

Qui voit Sein voit sa fin, dit le dicton marin

Ile de Sein, janvier 2015.
En 2008 et 2014, deux tempêtes particulièrement violentes ont déferlé sur cette toute petite île du Finistère, très basse sur la mer.
De spectaculaires images de vagues se précipitant dans les maisons ont été diffusées. Pourtant, le décalage entre l’image de ce coin de terre vue du continent ou vue depuis ses habitants est immense.
Voyage entre les a priori des continentaux et la sérénité des îliens.

Douce résistance sur l’île de Sein

Ile de Sein, janvier 2015.
Située au large de la pointe du Raz dans une zone particulièrement dangereuse en raison des récifs et du vent, l’île de Sein est une résistante, les habitants à son image.
Ceux qui mettent le pied sur l’île quelques heures ne voient souvent que la menace de submersion, l’altitude moyenne se situant à 1, 50 mètres.
Mais ceux qui y sont nés – les “purs” Sénans – savent combien leur île a la peau dure.