On avait découvert ce jeune auteur en 2008, à la faveur du Prix de Photographie de l’Académie des beaux-arts, qui couronnait un de ses premiers travaux, Anima. Jean-François Spricigo y photographiait les bêtes comme personne, en fables noires déchirées par les éclairs de flash comme par les reflets de la lune. Et puis l’enfant prodige a fait son chemin, élargi le champ de ses réflexions sur la vie traitée comme une fable, sur l’enfance et sur la mort, sur la sensualité et le désert, avec la maturité de l’écrivain qu’il est aussi parfois. Voici que les éditions de L’œil lui consacrent un premier ouvrage monographique, riche de tout ce qui fait l’univers de Spricigo, absolument sombre et tendre, résolument chaotique, éminemment poétique. Où l’on voit que le photographe s’insinue en alien dans ce paysage si formaté de la photographie contemporaine plate sérielle et désincarnée pour interroger et troubler son lecteur. Le livre vient comme un bel objet, doux au toucher et bouleversant au feuilletage, vibrant de tout ce qui traverse l’inspiration d’un artiste et entrecoupé de textes de certains des bons génies qui ont croisé sa route. On y retrouve le beau portrait d’Hiko exposé en 2009 à l’Institut de France et que, dans le hors-série d’octobre 2009 de la Revue des Deux mondes, son maître saluait en ces termes fondateurs “J’ai appris la photographie avec un chien, peut-être devrais-je dire que j’ai reçu de ce chien ce que me révèle depuis la photographie, ma propre vie. Il s’appelait Hiko”.
Hervé Le Goff