L’homme a toujours eu des rapports très diversifiés avec l’animal. Selon les époques, selon la nature de chacun, selon ses fonctions, sa culture, aussi selon le climat dans lequel ils vivent l’un et l’autre. Mais il s’agit ici de photographie. Les variétés d’approche deviennent aussi nombreuses que les spécialités professionnelles. On retrouve chez l’homme muni d’une caméra les mêmes réactions primaires, affectives, viscérales, de ceux qui, comme Buffon, aiment les chiens et détestent les chats. Mais il y a des variantes qui tiennent à la technique même. Un naturaliste ne peut se comporter, c’est l’évidence, comme un ornithologue. Pourtant il y a ceux, rares, qui aiment tous les animaux pour ce qu’ils sont. De la fourmi à l’éléphant, de la grenouille au phoque, de l’oiseau au félin. Jean-François Spricigo est de ceux-là. Si l’animal n’est pas le thème unique de ses images, il est une constante dans sa quête de l’image juste, celle qui n’est pas faite pour décrire, pour illustrer un texte mais celle qui prouve un intérêt profond pour l’animal qui exprime une empathie, une émotion. Chacune des photographies de Jean-François Spricigo est un témoignage, non sur l’apparence de l’animal choisi mais sur sa spécificité, sur son identité. J’ai envie de dire sur sa psychologie. Sur ce qu’il y a de surprenant dans la gestuelle d’un prédateur et d’intrigant, d’inquiétant dans son regard, sur ces moments intenses ou un animal se révèle dans ce qu’il a de plus vrai, dans le bonheur d’être en vie et de se rouler au soleil, dans la peur et la faim. Jean-François Spricigo me fait oublier les hommes qui s’intéressent aux animaux pour avoir le plaisir de les tuer. Canard ou lapin, gazelle ou guépard tout est bon à tirer. Dans le meilleur des cas pour manger. Souvent pour prouver leur aptitude au fusil. Ou pour accumuler les trophées. Pour mettre une tête de tigre dans le salon ou pour utiliser une main de gorille comme cendrier. Les trophées de Jean-François Spricigo sont des images qui prouvent un profond respect pour l’animal quelle que soit sa race. Il ignore toute hiérarchie. Il est avec l’âne, comme il est avec le cheval ; avec le chat, comme avec le chien. Il est l’un des leurs. Comme je le suis moi-même. Il me réconcilie avec l’homme.